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« Julieta » de Pedro Almodovar. Critique cinéma-dvd

Synopsis: Julieta s'apprête à quitter Madrid définitivement lorsqu'une rencontre fortuite avec Bea, l'amie d'enfance de sa fille Antía la pousse à changer ses projets. Bea lui apprend qu'elle a croisé Antía une semaine plus tôt. Julieta se met alors à nourrir l'espoir de retrouvailles avec sa fille qu'elle n'a pas vue depuis des années et décide de lui écrire tout ce qu'elle a gardé secret depuis toujours.

La fiche du DVD / Blu-Ray

Le film : "Julieta"
De : Pedro Almodóvar
Avec : Emma Suárez, Adriana Ugarte, Daniel Grao, Inma Cuesta, Rossy de Palma
Sortie le : 23 septemb 2016
Distribution : Pathé
Durée : 95 minutes
Film classé : Tous publics
Nombre de DVD / Blu-Ray : 1
Le film
Les bonus

Ce dvd fait partie de « Pedro Almodovar, l’anthologie »

Le meilleur dvd Septembre 2016

Bouleversant, magnifique, intemporel. J’ai du mal à trouver le mot juste pour rapporter tous ce que Pedro Almodovar puise dans les nouvelles d’Alice Munro pour en faire des images inoubliables. Celles qui fondent un récit à jamais gravé dans une mémoire qui n’est pas forcément collective ou individuelle, mais du ressort d’un inconscient naturel.

Des personnages qui se racontent, le cinéma en abrite des kyrielles. Julieta est unique dans sa manière de reprendre le chemin à l’envers pour tisser une histoire si personnelle que c’est un miracle de la rendre aussi universelle.

Cette femme de la cinquantaine découvre que sa fille Antia dont elle est séparée depuis plus de dix ans  vit quelque part en Espagne, où elle a fondé un foyer. Elle lui écrit ce qu’elle n’a jamais pu lui dire le jour où Antia est partie de la maison …

 

Julietta, jeune maman avec sa fille Antia. La vie commence à chambouler son bonheur d'alors...
Julietta, jeune maman avec sa fille Antia. La vie commence à chambouler son bonheur d’alors…

Il n’y avait alors semble-t-il rien  de définitif dans la décision de la jeune fille dont l’absence énigmatique resurgit dans les méandres du passé d’une famille qui aura vécu des jours heureux. Antia adorait son papa de marin (Daniel Grao) et Julieta couvait cet amour d’une passion aussi dévorante.

Pour quelle culpabilité cette mère va-t-elle combattre ? En proie à l’ignorance de l’histoire de sa propre enfant. De sa propre vie !

Jeune maman ou femme désormais solide, Julieta est de tous les cadres, de chaque image, de chaque regard, qui portent une puissance émotionnelle extraordinaire. Comme cette mer démontée que l’héroïne découvre derrière la fenêtre de la cuisine .Un tableau effrayant, terriblement beau. L’ombre portée du grand Hitchcock.

Célibataire, le mari d'Antia employait une femme de ménage. Petits potins, grands secrets, Rossy de Palma est redoutable...
Célibataire, le mari d’Antia employait une femme de ménage. Petits potins, grands secrets, Rossy de Palma est redoutable…

La peinture d’une vie nouvelle en présage à l’avenir d’une jeune fille qui deviendra femme (Adriana Ugarte)  et d’une femme désormais recluse dans son passé (Emma Suárez).

Deux comédiennes formidables, à l’unisson de la petite chanson que fredonne le cinéaste espagnol. En retrouvant la veine de ses premiers émois, il laisse en chemin la fantaisie qui rendait vie à l’abandon, et peuplait de mille joies une solitude empreinte de nostalgie.

Ces états d’âme se conjuguent ici avec une autre exubérance, plus secrète, plus discrète. De l’ordre de l’indicible qu’Almodovar révèle avec une apparente et confondante simplicité. Il n’y a rien de gratuit chez le réalisateur (et la couleur, et la lumière …).

Mais plus qu’il nous donne, c’est le spectateur qui reçoit. Tout le talent de l’artiste qui derrière son œuvre s’éclipse et laisse dire. Magnifique.

LES SUPPLEMENTS

  • Rencontre avec le réalisateur et son héroïne (5.30 mn) .  » Le premier film où j’ai évité toute forme d’humour, et dès que ça apparaissait je faisais attention à rectifier, car les choses changent, Madrid a changé, j’ai vieilli, j’ai empiré ».

Le silence et l’absence entre une mère et sa fille… Pedro Almodovar évoque en quelques mots l’histoire de son film

Adriana Uguarte. La comédienne parle avec une chaleur infinie de son réalisateur.  » L’esthétique particulière, le top de la meilleure qualité, il ne laisse rien au hasard, comme le choix d’un porte clé qui n’apparaîtra peut-être pas, ça crée une atmosphère globale qui correspond à son code, et j’ai l’impression que dans ce code tout est sublimé.(…) Ses films ont une harmonie étrange et éclatante à la fois, il relie avec sensibilité, l’histoire, les émotions et la forme ».

  • Making of (10 mn). Plusieurs modules : « L’accident de train », « La lettre » (celle de la mère à sa fille, on voit dans les coulisses Pedro Almodovar lire le texte … et l’attention que requiert auprès de Emma Suárez une telle séquence) ou bien encore « L’identification du corps ». Une scène qui doit être une répétition puisque c’est le réalisateur qui guide Adriana Uguarte dans ses gestes, qui parle pour elle qui ne fait que reproduire les attentes d’Almodovar.

« Le A de Antia » encore une scène assez rare dans les making of. Il faut amener sur le plateau la petite fille dans son lit alors qu’elle est endormie. Tout le monde fait bien attention à ne pas faire de bruit et « même si tu n’as pas de lumière, filme » recommande Almodovar à son opérateur au début de cette séquence. Après quoi on remmène le lit dans une pièce à l’écart et sur la porte il est demandé de faire attention « le bébé dort ».

Ce dvd fait partie de "Pedro Almodovar, l'anthologie" Le meilleur dvd Septembre 2016 Bouleversant, magnifique, intemporel. J’ai du mal à trouver le mot juste pour rapporter tous ce que Pedro Almodovar puise dans les nouvelles d’Alice Munro pour en faire des images inoubliables. Celles qui fondent un récit à jamais gravé dans une mémoire qui n’est pas forcément collective ou individuelle, mais du ressort d’un inconscient naturel. Des personnages qui se racontent, le cinéma en abrite des kyrielles. Julieta est unique dans sa manière de reprendre le chemin à l’envers pour tisser une histoire si personnelle que c’est un miracle…
Le film
Les bonus

C’est un film qui m’a profondément bouleversé. Cette histoire d’une mère et de sa fille qui sans jamais comprendre pourquoi et comment, elles se sont quittées, est rapportée par un réalisateur dont la maîtrise est d’une totale vérité. Cette histoire ne m’appartient pas et pourtant je l’ai vécue comme telle, emporté par une interprétation sans excès, mais si juste, si près des intentions d’une caméra qui se fait oublier. Ce sont des personnages d'une très belle sensibilité, des parcours de vie à la fois extraordinaires et terrifiants, merveilleux et pénibles. En retrouvant le chemin de ses premiers émois, Almodovar abandonne avec l’âge et l’expérience, l’exubérante fantaisie qui rendait vie au désespoir pour mieux cerner la veine des sentiments. Au-delà du chef d’œuvre, j’y vois une œuvre intemporelle, une marque indélébile du temps qui nous aura vu passer sur terre.

Avis bonus Un entretient avec le réalisateur et son héroïne, mais surtout un making of qui présente des séquences plutôt inédites.

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14 Commentaires

  1. Pas de mélo dans ce drame, mais beaucoup de réflexions sur le sentiment de culpabilité ,fil conducteur de ce film bouleversant.
    Le passage du rôle de Julieta entre l’actrice jeune et celle plus mûre, par le biais d’une serviette éponge est tout simplement génial!
    Rien que pour cela, Cannes aurait pu décerner un prix à Almodovar. Mais heureusement que ce dernier n’attend pas ce genre de récompense pour nous offrir ses merveilleuse histoires en images.
    Je dois absolument le revoir pour mieux le savourer et être plus objective.
    Courez vite le voir.

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