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« Le journal d’une femme de chambre » de Luis Bunuel. Critique cinéma

Synopsis: Célestine, femme de chambre de 32 ans originaire de Paris, prend ses fonctions au Prieuré, propriété d’une famille de notables normands : M. Rabour, vieil homme fétichiste, Mme Monteil, sa fille aigrie et puritaine, et son gendre sexuellement frustré, obsédé par les femmes et la chasse. Joseph, l’homme à tout faire au tempérament violent et aux idées d’extrême droite. L’arrivée de Célestine sème le trouble parmi ces habitants…

La fiche du film

Le film : "Le Journal d'une femme de chambre"
De : Luis Buñuel
Avec : Jeanne Moreau, Georges Géret
Sortie le : 02/08/2017
Distribution : Carlotta Films
Durée : 92 Minutes
Genre : Comédie dramatique, Policier, Drame
Type : Long-métrage
Le film

Le roman éponyme d’Octave Mirbeau entamait le XX ème siècle.

Buñuel et son coscénariste Jean-Claude Carrière poussent le récit dans les années 30. La France est sous l’emprise de mouvements xénophobes.

Joseph, l’homme à tout faire de la propriété des Monteil (Georges Géret) représente ce courant de pensées affichées ouvertement auprès du personnel qu’il terrorise. Seule, Célestine, la nouvelle femme de chambre, une parisienne, ne semble guère impressionnée par ses allures de matamore. Imaginez Jeanne Moreau, elle est comme chez elle.

A l’image de tous les acteurs de la pièce, elle le jauge, le provoque, le subjugue. Jolie fille et bon caractère dit le patriarche fétichiste qui s’entiche lui aussi de la belle quand il peut lui passer ses bottines.

Un reliquat de bourgeoisie extirpée au sein d’un foyer désuni que le mari volage ( Michel Piccoli ) assume entre deux parties de chasse. Madame ferme les yeux tant que cela ne lui coûte pas un sou.

Les apparences sont sauves dit Buñuel qui a dû suivre  « La Règle du Jeu » de Jean Renoir (1) avant de s’arrêter sur l’œuvre de Mirbeau dont il s’inspire plus qu’il ne l’adapte. La personnalité de Célestine demeure ainsi bien étrange, il l’esquisse, l’esquive, et fait tourner la tête à tous les hommes, du voisin revanchard au jardinier roublard.

Quel jeu joue-t-elle interroge la caméra qui la rend plus complice de cet univers que témoin d’un monde d’apparences et de médiocrité ? Jeanne Moreau trouve là  un terrain propice à ses emportements mystérieux pour critiquer la bourgeoisie provinciale et ses travers. On n’est pas forcément chez Chabrol mais un meurtre alourdit le climat suspicieux de la demeure.

 

Célestine au milieu de ses nouveaux patrons: très vite elle marquera son terrain, que Jeanne Moreau apprivoise comme elle le fait avec les hommes.

Célestine, à visage ouvert cette fois, cite nommément le coupable et façonne à son encontre une preuve grossière. Le petit personnel serait-il aussi vil que ses maîtres ? Mirbeau et Buñuel semblent bien pessimistes quant à l’avenir de leur petit monde. Les manifestations antisémites se succèdent devant l’œil goguenard et ravi du tenancier du bar « A l’armée française ». Le jardinier recyclé barman n’était donc pas le meurtrier ?

(1) Ce même Renoir sera le premier à adapter le roman d’Octave Mirbeau en 1946.

Le roman éponyme d’Octave Mirbeau entamait le XX ème siècle. Buñuel et son coscénariste Jean-Claude Carrière poussent le récit dans les années 30. La France est sous l’emprise de mouvements xénophobes. Joseph, l’homme à tout faire de la propriété des Monteil (Georges Géret) représente ce courant de pensées affichées ouvertement auprès du personnel qu’il terrorise. Seule, Célestine, la nouvelle femme de chambre, une parisienne, ne semble guère impressionnée par ses allures de matamore. Imaginez Jeanne Moreau, elle est comme chez elle. A l’image de tous les acteurs de la pièce, elle le jauge, le provoque, le subjugue. Jolie fille et…
Le film

J’imagine que Buñuel a relu « ses » Renoir (la première version de l’adaptation de l’œuvre de Mirbeau et « La Règle du jeu ») avant de reprendre l’itinéraire de cette femme de chambre qu’il déplace dans la France des années 30 : la France xénophobe coule des jours douloureux. Célestine, loin de l’agitation des grandes villes, et dans le confort bourgeois de sa nouvelle affectation entend tirer un bon parti de la petitesse de ses employeurs qu’elle charme à sa façon et en fonction de chaque individu. Les hommes sont maintenant tous amoureux d’elle et la belle tire les marrons du feu qu’attise une propriétaire revêche et bigote à souhait. Le cadre est parfait pour asséner à la bourgeoisie provinciale quelques coups de griffes dans ses travers éloquents. Chaque personnage figure une emblématique distorsion des sentiments et Célestine, pas mieux au milieu de cette fange, réussira le bon parti. Avec elle aussi, les apparences seront sauves. Jeanne Moreau excelle !

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