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« Procès de Jeanne d’Arc » de Robert Bresson. Critique dvd

De Besson à Bresson, Jeanne d'Arc aura connu bien des avatars,mais cette fois pas d'hésitation

La fiche du film

Le film : "Procès de Jeanne d'Arc"
De : Robert Bresson
Avec : Florence Carrez-Delay, Jean-Claude Fourneau
Sortie le : 15/03/1963
Distribution :
Durée : 65 Minutes
Genre : Drame, Historique
Type : Long-métrage
Le film
Les bonus
  • DVD : 2 avril 2019
  • Acteurs : Florence Carrez, Jean-Claude Fourneau, Roger Honorat, Marc Jacquier, Michel Herubel
  • Sous-titres pour sourds et malentendants : Français
  • Studio : MK2/Potemkine

L’histoire : Capturée par des soldats français du parti adverse devant Compiègne puis vendue aux Anglais, Jeanne d’Arc est emprisonnée depuis plusieurs mois dans une chambre du château de Rouen. Elle comparaît devant un tribunal composé presque exclusivement de membres de l’université anglophile de Paris, présidé par l’évêque Cauchon.

 

 

Pierre Granier-Deferre reprend l’idée bien plus tard. Ecrire le scénario et les dialogues autour des comptes-rendus du procès de Marie-Antoinette. Ce sera « L’autrichienne ». 15 ans plus tôt Robert Bresson s’attaque à celui de Jeanne d’Arc, de façon beaucoup plus radicale.

Le contenu exact des minutes du procès de la fille de Domrémy est retranscrit dans le film à travers des dialogues qui semblent avoir été écrits par un grand auteur.

Des mots limpides, clairs, précis, des phrases sans rature…

Les juges ne souhaitent absolument pas être remis en cause dans leur procédure. Pour éviter la moindre contestation, tout doit être vrai et retranscrit à la lettre près. Ce dont rend compte le film de Robert Bresson, qui au dépouillement de sa mise en scène ajoute la rigueur des faits.

Jeanne ne se laisse pas faire, ni guider sa conduite ( Florence Carrez-Delay). Les questions sont courtes et précises, elle répond du tac au tac, parfois effrontément quand la charge lui paraît grossière. Ce sont des français qui l’interrogent, mais les anglais sont à la manœuvre. Ils dictent le cours des choses, piétinent devant les hésitations des juges et n’attendent que le bûcher.

Par les interstices de la prison, les anglais ne la lâchent pas d’une semelle

Là, ce sont des écrits  du procès en réhabilitation, 25 ans plus tard, qui donnent à Bresson le droit de s’immiscer dans les couloirs de la prison. De furtifs apartés qu’il retranscrit aussi sèchement que fusent les réponses de la pucelle face à son juge principal, l’évêque Cauchon ( Jean-Claude Cauchon).

Bien qu’à la solde de l’anglais, il parait soucieux d’équité et de compréhension. Il sait la partie mal engagée, et connaît les réticences de ses proches.

« Elle n’a ni défenseur, ni conseiller, vous pourrez la pendre, mais pas la brûler » lui dit-on.

« Elle sera brûlée » répond l’anglais.

Quand elle ne sait pas quoi répondre, Jeanne se tourne vers ce prieur qui très discrètement lui montre ce qu’il faut dire

On l’interroge sur ses voix, sa mission chinonaise, la bataille où elle fut blessée. Bresson n’en montre rien, c’est la femme qui l’intéresse et la résistance qu’elle oppose sans faille. Pour la vaincre, on la questionne aussi dans sa geôle, mais rien n’y fait. On dit que sa virginité la préserve, ce dont doutent les anglais.

« Elle a couché sur la paille avec les soldats et elle est vierge ? ». L’examen pratiqué par trois femmes confirme les dires de Jeanne.

« Si sa virginité est sa force qu’on la lui enlève » entend-on alors parmi les exaspérations de l’ennemi mais aussi le retrait de quelques religieux qui refusent de juger sous la contrainte. Robert Bresson ne perd pas un instant de ses écarts de conduite pour une âme condamnée depuis le premier jour.

Elle va pourtant abjurer tout ce qu’elle a affirmé pendant son procès avant de revenir sur ses paroles. Son obstination reprend le dessus, sa mort est programmée. Jeanne au bûcher, l’image est devenue symbole, icône, universelle.

Bresson en fait un final grandiose dans le dénuement et la simplicité. Comme une clarté nourrie par les flammes que l’on imagine dévorer le corps de la suppliciée. Mais on ne les voit pas, la fumée nous en préserve.

L’image qu’il nous reste de Jeanne demeure cet abandon à la vie, foi totale en son Dieu, son roi, son peuple. La Jeanne d’Arc de Bresson. Une grande, tout simplement.

LES SUPPLEMENTS

  • Interview de Robert Bresson (5 mn). On lui rappelle le nombre d’œuvres sur Jeanne D’Arc . (et nous ne sommes qu’en 1962). « Mais j’avais l’espoir de la rendre actuelle, on se trompe si on ne voit qu’une bergère, je la vois comme une jeune fille de maintenant ».

Son style, un extrême dépouillement : « le désordre n’est pas une source d’émotion, il faut nettoyer ».

« Dans un film il faut croire au personnage, d’où les non-professionnels, que j’emploie sans aucun jeu, sans aucun trucage. Je veux qu’ils soient inconscients de ce qu’ils sont alors qu’un acteur se cache derrière son art ».

  • Interview de Florence Delay (29 mn).Elle raconte comment elle a été choisie, et ce souvient très bien des jours de tournage et de nombreuses anecdotes. La scène des pieds avant le supplice du feu « comme Bernanos le dit très bien les chaussures racontent l’histoire ».

Sur cette même séquence. «  Robert a dû batailler pour avoir de la foule, on était quand même ric rac côté matériel. Mais il a eu sa foule, et au montage, il a tout coupé ».

«  Ce qui m’a le plus impressionné c’est que j’allais dire ce qu’elle avait précisément dit, je suis arrivé par ses mots, par sa voix, dire des choses aussi inouïes en disant je, je suis devenu familière avec elle ».

La scène la plus stressante ? « Celle de l’abjuration, j’ai fondu en larmes, et j’ai compris que Robert voulait en garder une trace. (…) Je ne connais pas d’autre exemple de courage et de conviction ».

  • Interview d’Hervé Dumont (32 mn). Historien du cinéma, ancien directeur de la cinémathèque suisse.

Il reprend l’histoire de Jeanne d’Arc et revisite certaines œuvres. « Une fois qu’elle a été réhabilitée au 19 ème, tout le monde a voulu se l’approprier (…) et dès 1895 le cinéma s’en empare. »

Il parle aussi très bien de toute l’imagerie liée au personnage. Elle devient un personnage de l’histoire de l’humanité, dans le monde entier. Il existe une Jeanne d’arc mongole.

Hervé Dumont relève les différentes façons de la filmer: la reconstitution historique qui gomme l’aspect intérieur du personnage (on retient le couronnement et les grandes batailles)

Ou alors découvrir qui était cette femme, ils sont moins nombreux à l’avoir fait, avant qu’elle ne soit récupérée par les communistes, Hitler, l’extrême-droite…

On peut l’aborder aussi de manière documentaire voire Rivette, comme si c’était des actualités… Ou alors le spectacle colossal à la Besson.

  • Interview d’Olivier Assayas (16 mn)

Le cinéaste voit dans ce film l’un des « moments importants dans l’histoire de la réinvention du cinéma moderne avec « L’Eclipse » , une forme de dépassement du cinéma , j’ai envie d’en parler comme d’une expérience de l’utilisation du cinéma, Bresson prend un texte , une merveille de notre culture, un portail ouvert sur le surnaturel ( …) et légitime sa démarche du fait que ce texte existe, et c’est tellement beau , comme s’il avait retrouvé l’ADN de Jeanne d’arc ».

Assayas est lui aussi ébloui par le final, cette manière de la conduire au bûcher et le feu …

DVD : 2 avril 2019 Acteurs : Florence Carrez, Jean-Claude Fourneau, Roger Honorat, Marc Jacquier, Michel Herubel Sous-titres pour sourds et malentendants : Français Studio : MK2/Potemkine L'histoire : Capturée par des soldats français du parti adverse devant Compiègne puis vendue aux Anglais, Jeanne d'Arc est emprisonnée depuis plusieurs mois dans une chambre du château de Rouen. Elle comparaît devant un tribunal composé presque exclusivement de membres de l'université anglophile de Paris, présidé par l'évêque Cauchon.   Prix spécial du jury ( ex aequo avec "L'éclipse" de Michelangelo Antonioni ) Cannes 1962 Meilleur dvd Avril 2019 ( 7 ème )   Pierre Granier-Deferre reprend l’idée bien plus tard. Ecrire le scénario et les dialogues autour…
Le film
Les bonus

Capturée devant Compiègne par des soldats français du parti adverse, Jeanne d’Arc a été vendue aux anglais à prix d’or. Elle comparait devant un tribunal composé presque exclusivement de membres de l’Université anglophile de Paris et présidé par l’évêque Cauchon. Robert Bresson s’appuie sur des textes authentiques et de la minute même du Procès de condamnation pour instruire à sa façon, dépouillée, rigoureuse, l’histoire d’une vie que la pucelle défend bec et ongle devant le tribunal de Rouen. Pas de bataille ici, ni de reconstitution historique d’un périple qui la conduira à travers toute la France. La précision des mots dessine Jeanne. Ses phrases incarnent sa pensée. Du grand cinéma qui n’existe plus.

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