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« Deux jours, une nuit » des frères Dardenne . Critique DVD

Synopsis: Sandra, aidée par son mari, n'a qu'un week-end pour aller voir ses collègues et les convaincre de renoncer à leur prime pour qu'elle puisse garder son travail.

La fiche du DVD / Blu-Ray

Le film : "Deux jours, une nuit"
De : Luc Dardenne, Jean-Pierre Dardenne
Avec : Marion Cotillard, Fabrizio Rongione, Pili Groyne, Simon Caudry, Catherine Salée
Sortie le : 01 octobre 2014
Distribution : Diaphana
Durée : 92 minutes
Film classé : Tous publics
Nombre de DVD / Blu-Ray : 1
Le film
Les bonus

Une femme se déchire pour récupérer son travail perdu après une dépression. Le temps d’un week-end, elle va de porte en porte, de portable en portable, et demande à une dizaine de collègues d’abandonner une prime de 1.000 €, «  un an de gaz et d’électricité »,  au profit de sa réintégration.

On ne peut que souscrire aux enjeux d’un tel film, l’intention des réalisateurs est  louable.  Mais sa mise en forme prête à discussion.Après avoir suivi les premières démarches, et les dégâts collatéraux qu’elles suscitent, l’histoire va évoluer, pense-t-on,  vers une structure moins linéaire.

Les frères Dardenne, quand même, leur créativité, leur inventivité… les voici quasiment dans un film à sketches, où défilent l’un après l’autre, tous les protagonistes.  Chaque séquence reprend l’argument de l’héroïne, avec des réponses différentes, bien évidemment, parfois prévisibles, parfois pas.

Comme le copain qui s’en veut de l’avoir abandonnée, celui qui craint pour son contrat à durée déterminée, sa meilleure copine qui ne lui ouvre pas la porte et les autres …  Du désespoir à la résignation, de l’abattement au sursaut , Sandra est épaulée par un mari que je n’ai pas trop saisi.

Les frères Dardenne quand même, l’amour des comédiens, l’attention qu’ils leur prêtent… Fabrizio Rongione flotte dans la peau de son personnage demi-teinte, peut-être trop éclipsé il est vrai par la performance de Marion Cotillard.

Pas trop le temps de discuter...
Pas trop le temps de discuter…

J’ai souvent eu l’occasion ici de dire le bien que je pensais de la comédienne, mais cette fois elle atteint des sommets qui l’éclipsent de sa propre image. On oublie l’actrice, non  pas pour le rôle, mais la personnalité de Sandra  incarnée au plus près des tics et de l’abandon qui la guette.

C’est émotionnellement très fort et j’avoue qu’à plusieurs reprises une boule me tailladait le ventre, lorsqu’elle sonnait à la porte où attendait au pied d’un immeuble.

Marion Cotillard, et les frères Dardenne, nous renvoient alors une image qui nous ressemble et nous implique directement dans le processus de l’engagement social. C’est la petite réussite de ce film. La grande est désormais très grande…

LES SUPPLEMENTS

  • Entretien avec les frères Dardenne (13.30 mn) . Le sujet leur trottait dans la tête depuis une dizaine d’années,  à travers la lecture des journaux, doublée par « un fait divers que raconte Bourdieu dans «  La Misère du monde » (…) C’est aussi l’idée de quelqu’un qui a peur d’elle-même ».

Le choix de Marion Cotillard ? «  On la suivait depuis plusieurs années, et comme  on produisait “ De rouille et d’os”, ce fut définitif ». Les deux réalisateurs affirment qu’ils n’ont mis qu’une condition à son contrat, qu’elle soit «  une actrice parmi d’autres, pas de régime faveur,  ce qu’elle a accepté ». A ce  traitement égalitaire , il faut ajouter les répétitions, sur lesquelles les frères Dardenne sont très sourcilleux. « On a beaucoup travaillé, les mouvements notamment et, dès le deuxième jour, elle était des nôtres ».

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Le choix des plans séquences, (« ça demande énormément de disponibilité de la part des comédiens »), la technique de tournage : « on essaie des pistes aux répétitions qui ne sont pas forcément retenues, on aime bien essayer des choses à la dernière minute, ça peut prendre deux heures … »

  •  Entretien avec Marion Cotillard (11.30 mn). Elle voit les frères Dardenne comme «  des gens profondément reliés au monde dans lequel ils vivent. Ils font des films pour les spectateurs, ils en parlent beaucoup, contrairement aux réalisateurs avec qui j’ai déjà travaillé. Certains rejetaient même l’idée du spectateur pendant la préparation d’un film. (…) On sent qu’ils ont envie de faire vivre leur histoire. (…) Un mois de répétition, c’est un vrai luxe, ils se donnent les moyens de faire le film qu’ils ont envie de faire. »

  • Entretien avec Fabrizio Rongione (13 mn). « Jeune comédien, j’avais beaucoup de questions à leur poser, je sentais qu’ils n’avaient pas envie de me répondre, et un moment Luc m’a dit «  Fabrizio tu es un ange », c’était leur manière de répondre à toutes mes attentes. (…) J’étais prêt pour le théâtre, pas pour le cinéma, je ne maîtrisais pas la manière d’interpréter des rôles au cinéma, mais leur manière de travailler se rapproche du théâtre ».

Le comédien compare beaucoup le rôle de Manu avec son précédent film avec «  les frères », comme il dit : « Rosetta ». « Manu c’est la charpente de l’humanité, quelqu’un qui s’efface pour mieux écouter l’autre ». Et Fabrizio Rongione parle lui aussi beaucoup des répétions « un des mots-clés de leur travail, dans la répétition un comédien trouve sa liberté, tu lâche tout et la réplique arrive ».

Une femme se déchire pour récupérer son travail perdu après une dépression. Le temps d’un week-end, elle va de porte en porte, de portable en portable, et demande à une dizaine de collègues d'abandonner une prime de 1.000 €, «  un an de gaz et d’électricité »,  au profit de sa réintégration. On ne peut que souscrire aux enjeux d’un tel film, l’intention des réalisateurs est  louable.  Mais sa mise en forme prête à discussion.Après avoir suivi les premières démarches, et les dégâts collatéraux qu'elles suscitent, l’histoire va évoluer, pense-t-on,  vers une structure moins linéaire. Les frères Dardenne, quand même, leur créativité,…

Review Overview

Le film
Les bonus

A force de filmer le même argument sur les raisons de la démarche de l’héroïne, c’est un film à sketches,  que les frères Dardenne nous servent avec leur savoir-faire, inhérent à une maîtrise totale, mais assez  vaine. Cela devient  pathétique (la scène avec l’entraîneur de foot …) ou  amateur ( la laverie automatique). Heureusement, elle est bien là ! Marion Cotillard ,au sommet de son art dans cet exercice périlleux qui lui fait rendre très vite les habits de la comédienne pour se vêtir du mal être de Sandra, un personnage totalement habité. De la culpabilité au sursaut, l’actrice passe par tous les états mentaux qu’une telle situation ne peut qu’engendrer. Heureusement, elle est bien là !

Avis bonus Des entretiens avec le réalisateur, et les comédiens, intéressants,

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