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« The Wolfpack » de Crystal Moselle. Critique DVD

Ils peuvent reproduire de nombreuses scènes des films qu'ils ont vus par centaines...

Synopsis: Les six frères Angulo ont passé toute leur jeunesse isolés de la société, enfermés avec leurs parents dans leur appartement du Lower East Side à Manhattan. Surnommés « The Wolfpack », ils ne connaissent personne hormis leur famille et n’ont pratiquement jamais quitté leur appartement.

La fiche du DVD / Blu-Ray

Le film : "The Wolfpack"
De : Crystal Moselle
Avec : La famille Angulo de Manhattan
Sortie le : 14 janvier 2016
Distribution : Luminor Films
Durée : 80 minutes
Film classé : Tous publics
Nombre de DVD / Blu-Ray : 1
Le film

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« Un an avant que l’on se rencontre, on n’aurait pas dit un mot. Vous auriez vu des zombies ».

D’un point de vue cinématographique, ce documentaire ne va pas révolutionner le genre. Crystal Moselle pose sa caméra sur le visage de ces adolescents libérés de leur parole, de leurs actes et de leur passé, après des années d’enfermement dans l’appartement familial. Ils se racontent, le plus souvent sourire aux lèvres, confiant leurs vidéos d’enfance à l’introspection de la réalisatrice.

Ils jouaient de la même façon, tous ensemble, ils s’amusent bien.

C’est à ce stade que le regard documentaire prend une véritable dimension, quand le parallèle avec leur situation présente jette une passerelle entre deux époques, peu dissociées dans l’esprit et la forme. Tout ce qu’ils savent du monde extérieur, ils l’ont appris dans les films qu’ils regardent de manière obsessionnelle. Ils les recréent méticuleusement en fabriquant eux-mêmes accessoires et costumes. Ils ne devaient pas regarder les gens dehors, ils sortaient très peu, n’avaient pas d’amis. L’école se faisait avec leur mère, enseignante, dans cet appartement de Manhattan où gamins ils jouaient avec des guitares en carton. Ados, ils ont eu de vraies guitares, et ont regardé beaucoup de films.  « Ils nous ont aidés à construire notre propre monde ».

Ils sortaient parfois avec l'obligation de ne pas regarder les gens...
Ils sortaient parfois avec l’obligation de ne pas regarder les gens…

«  Le Parrain » arrive en tête de leur préférence  mais «  Le Seigneur des anneaux » n’est pas loin. Ou bien « Pulp Fiction » dont ils s’amusent à reconstituer les séquences.Pas déconnectés donc, un peu ailleurs seulement, mais «  on était quand même en prison, et le soir nos cellules étaient fermées » disent-ils toujours souriants. «  Notre père était le directeur de cette prison ». 

« Il est allé trop loin je crois, il était inquiet, il avait peur, parce que c’était New York ». L’homme mettra du temps semble-t-il avant de se montrer à la caméra. «  Vous savez c’est un peu un hippie, mais il n’aime pas trop voir les gens, et vous êtes notre première invitée » assurent les garçons à la réalisatrice.

« Le quartier n’est pas très bon, alors on garde nos distances » dit la mère pendant que les garçons font la cuisine sans problème apparent. « J’ai vécu dans le Midwest, dans un environnement fermier … » Elle évoque des champs verdoyants, pouvoir sortir,  errer dans la forêt, «  J’aurais voulu les élever ainsi » dit-elle encore, très proche de ses enfants qui semblent lui porter beaucoup d’affection.

L’attention au père est différente aujourd’hui et c’est avec des mots difficiles, qui peinent à sortir que l’aîné avoue « ne plus pouvoir le regarder.  Je ne peux plus lui parler, tout ce que je vois en lui me semble mal ».

Ils s'amusaient beaucoup entre eux dans l'une des pièces de l'appartement
Ils s’amusaient beaucoup entre eux dans l’une des pièces de l’appartement…

Un jour, il franchira le seuil de la porte et ses frères suivront peu à peu. Les parents laisseront faire jusqu’au jour de la rencontre avec la réalisatrice en 2010, Crystal Moselle, par hasard, dans les rues de New York. Cette bande de jeunes âgés de 11 à 18 ans lui évoquait les personnages de « Reservoir Dogs » de Quentin Tarantino.

La suite, c’est cet extraordinaire documentaire où la valeur du témoignage est tout aussi importante que la manière de le rapporter, assez directement. Avec les problèmes inhérents à une telle situation sur la réinsertion, la thérapie nécessaire après l’éclosion dans un monde sinon hostile, pour le moins étranger. Il faut les voir découvrir la ville à travers les vitres d’un train, qu’ils prennent pour la première fois. Et leur première réflexion à la vue de la mer et du sable «  comme dans Lawrence d’Arabie ». Leur cinéma s’est alors arrêté, le vrai, celui que l’on découvre dans les salles a pris le relais. Et quand ils s’y rendent pour la première fois,  là encore, la même dégaine qu’en 2010, celle des méchants de «  Reservoir dogs ». Du cinéma, encore du cinéma …

Les meilleurs dvd Janvier 2016 ( 5 ème ) « Un an avant que l’on se rencontre, on n'aurait pas dit un mot. Vous auriez vu des zombies ». D’un point de vue cinématographique, ce documentaire ne va pas révolutionner le genre. Crystal Moselle pose sa caméra sur le visage de ces adolescents libérés de leur parole, de leurs actes et de leur passé, après des années d’enfermement dans l’appartement familial. Ils se racontent, le plus souvent sourire aux lèvres, confiant leurs vidéos d’enfance à l’introspection de la réalisatrice. Ils jouaient de la même façon, tous ensemble, ils s’amusent bien. C’est à…
Le film

C’est un regard plus sociologique que cinématographique que porte la réalisatrice sur cette fratrie qui après des années d’enfermement dans un appartement de Manhattan prend la vie au grand jour. Ils avaient  des "cours à domicile" et regardaient des films à longueur de journée sous la coupe de leurs parents. Ils font la cuisine, ils sont autonomes et la caméra se contente d’observer, sans trop interroger. Ils  commentent eux même cet univers très particulier, pour ne pas dire bizarre. Le père met du temps à venir devant la caméra et son témoignage me paraît assez lâche. « Ils ont compris je pense que j’aurais voulu que tout cela n’arrive pas, mais je n’ai pas pu faire autrement, nous sommes des victimes des circonstances de la vie. Quand on sait ça, on ne se blâme pas ». La mère est plus circonspecte, plus lucide aussi, mais sans le dire on comprend qu’elle a tenté de mener à bien l’éducation de ses enfants qui aujourd’hui vivent heureux au grand jour. Des regrets certainement, de l’amertume aussi, «  mais on ne revient pas sur son passé » dit l’aîné. La valeur du témoignage est tout aussi importante que la manière de le rapporter. L’ensemble demeure une œuvre forte et indispensable à la compréhension d'un tel phénomène sociétal.

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