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« La Tortue sur le dos » de Luc Béraud. Critique cinéma

  • Acteurs : Jean-François Stévenin, Bernadette Lafont, Claude Miller, Virginie Thévenet, Jean Dasté
  • Réalisateur : Luc Béraud
  • Studio : Doriane Films
  • DVD : 10 avril 2019
  • Cinéma : 02 février 2004

 

  • Film :
  • Bonus

La métaphore du titre est parfaite. Un écrivain au succès éphémère ne retrouve pas le souffle pour son nouveau roman. Sa compagne abandonne alors l’Université pour lui venir en aide, financièrement et surtout moralement.

Mais rien n’y fait et la source tarie, définitivement asséchée, n’est plus que source d’ennuis et de tracas.

La scène est commune, répétitive, magnifique : chaque soir Camille rentre du travail, la baguette et le journal sous le bras. Paul la regarde à peine et se plonge dans les nouvelles, marmonne son désespoir et reprend le cours de sa monotonie.

Parmi toutes ses possibles conquêtes, l’écrivain compte beaucoup sur l’ouvreuse du cinéma

C’est Camille le fond du problème assure-t-il, l’obstacle à la création, à son impuissance. Sur la feuille blanche et sous la couette. Les reproches fusent, les portes claquent, Camille encaisse et puis fait chambre à part. Camille se rebelle et il va voir ailleurs.

Scènes de la vie conjugale. Bercé par la Nouvelle Vague, Luc Béraud pose les sentiments par petites touches où le gris et le noir prennent de plus en plus la couleur du désespoir.

Ca n’a rien de déprimant . Le jeu introspectif de Jean-François Stévenin s’accorde à l’emportement rayonnant de Bernadette Lafont, bonne poire, puis citron. Un couple, un spectacle à lui tout seul, aux extrêmes réunis, tendus, que le cinéaste pose dans un même cadre avec une contenance plutôt amusée.

Reclus dans une chambre d’hôtel il doit la partager avec un colocataire qui ne supporte pas le bruit de la machine à écrire

La scène du café où Paul veut se cacher de sa maîtresse (Valérie Quennessen * ) alors que sa compagne l’attend à une autre table est magnifique. A l’image de celle de l’hôpital où les patients se regardent en chien de faïence.

Le ton change, les ruptures sont fréquentes, une autre façon de filmer alors, qui nous laisse encore de jolis souvenirs de ciné-club et des ébauches de comédie assumée. Une bande de jeunots s’apprête à écraser notre héros au petit matin, après une soirée bien arrosée. Il y a dans la voiture : Michel Blanc, Marie-Anne Chazel, Josiane Balasko, Christian Clavier… Splendid avant l’heure !

  • Elle est décédée dans un accident de voiture en 1989, elle avait 31 ans.
Est-ce le bon moyen de passer inaperçu aux yeux de sa maîtresse et de sa femme ?

LES SUPPLEMENTS

  • «  La Poule » de Luc Béraud ( 18 mn ) – 1971 – Avec Catherine de Seynes et Michel Lonsdale. Ce couple heureux n’a pas d’histoire. Sauf que… Madame a peut-être  plus de talent que Monsieur…

«  Dis-moi ma chérie, si tu me servais un Pernod » …

Pas drôle, strict, le professeur revient le soir chez lui et se fait servir, de l’apéro aux chaussons qu’il réclame très doucement. Madame s’exécute après avoir travaillé toute la journée aux exigences du foyer et à son roman. Elle est connue, elle a du succès, il ne comprend pas. Et quand elle lui annonce qu’elle sera prochainement traduite en Italie, il la félicite sans excès mais lui assure  « avec l’argent de la traduction  je vais t’acheter une machine à laver, parce que pour toi ce n’est vraiment plus vivable ». Magnifique!

En plus lourd, et plus misogyne encore, Lonsdale rappelle un peu le personnage de Stévenin dans «  La Tortue sur le dos ».

  • « Vertige de la page blanche » par  Roland-Jean Charna. 30 mn. Un portrait de Luc Béraud

Enfants de la nouvelle vague, nous dit-on, le tandem Miller-Béraud aborde des sujets encore peu communs : l’homosexualité, la difficulté de créer, le refus du deuil…

«  Ils ont une capacité à diriger les acteurs et à les rendre plus nuancés dans leurs jeux » .

« On avait des références culturelles très précises » souligne l’intéressé, « avec l’omniprésence de Godard ».

Assistant pour Duras, Eustache, Rivette, Miller, Luc Béraud signe avec son premier film («  La tortue sur le dos » 1978 ), « une œuvre en train de se former sous nos yeux . Le spectateur est le témoin impitoyable de l’impuissance de l’écrivain à écrire son livre ».

 

Jean-François Stévenin a beaucoup travaillé derrière la caméra, c’est la première fois qu’il interprète. « Mettre tout sur un type qui n’a jamais tourné, fallait le faire , j’apprenais mes trucs à moi , j’aime bien me charger des ambiances avant les tournages, pas question de déconner comme on en voit certains le faire ».

Luc Béraud ose également un parallèle avec « Barton Fink » des frères Coen , « même hantise, même fantasme, un film très américain avec du spectacle moi je suis du côté français, quand les frères Cohen sont John Ford , mais ce sont bien deux manières complémentaires de raconter la même chose ».

Acteurs : Jean-François Stévenin, Bernadette Lafont, Claude Miller, Virginie Thévenet, Jean Dasté Réalisateur : Luc Béraud Studio : Doriane Films DVD : 10 avril 2019 Cinéma : 02 février 2004   Film : Bonus :  La métaphore du titre est parfaite. Un écrivain au succès éphémère ne retrouve pas le souffle pour son nouveau roman. Sa compagne abandonne alors l’Université pour lui venir en aide, financièrement et surtout moralement. Mais rien n’y fait et la source tarie, définitivement asséchée, n’est plus que source d’ennuis et de tracas. La scène est commune, répétitive, magnifique : chaque soir Camille rentre du travail, la baguette et le journal sous le bras. Paul la regarde…
Le film
Les bonus

Au-delà d’un film qui ne souffre pas de ses rides ( 1981 ) il y a dans cet ouvrage beaucoup de l’héritage de la Nouvelle Vague assumée de façon très personnelle. Pour son premier long métrage Luc Béraud s’est adjoint le concours de Claude Miller avec qui il vient de terminer «  La meilleure façon de marcher ». Miller joue aussi dans ce film ( son épouse c’est Virginie Thévenet ) qui raconte l’histoire d’une création avortée. Ou le célèbre vertige de la page blanche que son auteur impute à sa compagne. Celle-ci se met pourtant en quatre pour lui venir en aide, mais rien n’y fait. Sur les douleurs de la création et de l’amour, Luc Béraud consacre ... la vanité du sacerdoce.

AVIS BONUS Un excellent court métrage et un portrait tout aussi intéressant de Luc Béraud

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