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« Jusqu’à la garde » de Xavier Legrand. Critique cinéma-dvd

Synopsis: Le couple Besson divorce. Pour protéger son fils d’un père qu’elle accuse de violences, Miriam en demande la garde exclusive. La juge en charge du dossier accorde une garde partagée au père qu’elle considère bafoué. Pris entre deux feux, Julien va tout faire pour empêcher que le pire n’arrive.

La fiche du DVD / Blu-Ray

Le film : "Jusqu'à la garde"
De : Xavier Legrand
Avec : Denis Ménochet, Léa Drucker, Mathilde Auneveux, Mathieu Saikaly, Florence Janas
Sortie le : 21 juin 2018
Distribution : Blaq Out
Durée : 90 minutes
Film classé : Tous publics
Nombre de DVD / Blu-Ray : 1
Le film
Les bonus

Les couples divorcés dans la douleur ne pourront pas suivre. Les gardes partagées mal assumées auront du mal à faire de même : assister à leur propre souffrance que traduit Xavier Legrand avec un réalisme total, à nu, plaie grande ouverte, qui ne se referme jamais.

Avec en tête ce personnage, la tête de l’emploi que Denis Ménochet, façonne de manière incroyablement naturelle. Je frôle le délit de faciès en pensant qu’il a la carrure du mec pas sympa, et la gueule d’un vrai con.

Celui qui peut faire du mal à toute une famille parce que rejeté, incompris, malheureux. Il est tendu et porte cette tension à longueur d’histoires qu’il entretient par son attitude. L’opposition de sa femme et de ses enfants accentue sa colère.

Dès l’origine, les dés sont-ils pipés ? Une confrontation dans le bureau du juge. Des arguments de part et d’autre, et la question qui tue. « Lequel ment le plus ? » demande la magistrate. Elle renvoie les deux parties dos à dos et pérennise la situation détestable que Xavier Legrand instruit plus qu’il ne l’observe.

Pour son premier film, le comédien s’investit totalement dans le grave et l’indicible poussant aux extrêmes les éléments critiques d’une relation insoutenable. Léa Drucker dans sa retenue et ses éclats de peur est formidable.  Denis Ménochet  tout aussi désespéré. Son mal-être le consume.

Même son absence est une angoisse pour le spectateur qui l’imagine tapi dans l’ombre de la fête que donne sa fille pour son anniversaire (Mathilde Auneveux). Ou  prêt à faire parler son gamin contraint et forcé d’accepter ses visites une semaine sur deux. Dans la suggestion, l’insinuation, Xavier Legrand chauffe le fer à blanc jusqu’à l’incandescence, l’angoisse totale.

A ce niveau Thomas Giora, le gamin, est ahurissant. Son jeu tout en défense et prévention va lui aussi atteindre des sommets au moment de la rencontre finale, qui nous délivre de nos angoisses, et rend au cinéma ses lettres de noblesse. Pour avoir provoqué de telles réactions, donner du sens aigu à un drame quasi quotidien et manifester une telle vérité, frontalement, honnêtement.

LES SUPPLEMENTS

  • « Avant que de tout perdre » de Xavier Legrand (2012, 28 mn) . César du meilleur court-métrage. Un jeune garçon fait mine de se rendre à l’école et se cache sous un pont. Une adolescente en larmes attend prostrée sur le banc d’un arrêt de bus. Une femme vient les chercher et les conduit sur le parking d’un hypermarché. Ils entrent alors tous les trois précipitamment dans le magasin…

C’est en fait ce qui pourrait ouvrir «  Jusqu’à la garde ». A part  le jeune garçon, on retrouve les mêmes acteurs dans une posture de conflit familial aigu. Cinq ans séparent les deux films, mais déjà dans ce court métrage, les intentions de Xavier Legrand sont précises, et la réalisation tout aussi efficace.

Il filme le drame d’une violence conjugale quotidienne à la façon d’un thriller dont l’issue est absolument incertaine et très crispante. Belles prestations et mise en scène éloquente.

  • Making of  (43 mn). Un documentaire très intéressant où tous les acteurs du film interviennent pour dire réellement des choses sur la technique, le sujet, leur personnage. Pas de langue de bois et des scènes de tournage ou de répétitions pour agrémenter l’ensemble.

Xavier Legrand a été plusieurs jours dans les bureaux d’un juge pour enfants ( on ne sait pas si c’est celui qui intervient dans ces bonus … ) . On le voit alors diriger les différentes scènes d’ouverture ( le bureau du juge )

 « Il est acteur, il sait par quoi ça passe » dit Saadia Bentaïeb , la juge à propos de la direction d’acteurs. L’intéressé rétorque qu’il lui a fallu beaucoup discuter avec Denis Ménochet, qui était dans cette demande contrairement à Léa Drucker, beaucoup plus instinctive .

«  Il y avait des moments où j’étais faux » estime Denis Ménochet «   mais c’était la vérité du personnage, habituellement je ne l’aurais jamais joué comme ça mais là il le fallait ».

Le jeune Thomas Gioria est beaucoup sollicité dans ce making of auquel il participe lui aussi pleinement . Avant de jouer la scène de la voiture où il doit avouer à son père où se trouve sa mère , il reconnait avoir eu très peur , «  mais très vite je me suis dis que ce n’était qu’un jeu » .

A signaler que la même équipe a participé au film et au court-métrage «  ça crée une énergie, tout le monde se soutient ». Et le résultat dans les deux cas, est là !

  • Entretien avec Edouard Durand, juge des enfants (35 mn). « En tant que citoyen, homme et juge, je trouve ce film remarquable ». Il le dira à plusieurs reprises, Edouard Durand n’a rien à reprocher à ce film qui à ses yeux expose parfaitement la situation . On ne sait pas si c’est auprès de lui que Xavier Legrand a trouvé conseil…

Le juge est subjugué par la manière de mettre en évidence «  le  lien indissociable entre la conjugalité et la parentalité dans les violences conjugales . De la part du réalisateur c’est très fort, on voit bien que ce qui se joue dans le couple, le rapport de force, la violence, se jouent de la même manière dans la parentalité ( l’éducation des enfants, la vie avec les enfants… ) ».

« La violence de l’agresseur, la peur qu’il génère et l’emprise qu’il maintient, parce que la société lui laisse le champ libre, est vraie, quelle que soit la personnalité de l’agresseur , (…) c’est un sujet qui passe à l’acte pour obtenir une satisfaction personnelle au mépris de la sécurité générale ».

  • Le Prix Claude Chabrol depuis 2012

« Présumé coupable » de Vincent Garenq-« 38 témoins » de Lucas Belvaux-« Mains armées » de Pierre Jolivet-« Foxfire – confessions d’un gang de filles » de Laurent Cantet-« La chambre bleue » de Mathieu Amalric- « Coup de chaud » de Raphaël Jacoutot-« Diamant noir » d’Arthur Harari-« Petit paysan » d’Hubert Charuel-« Jusqu’a la garde » de Xavier Legrand- « Roubaix, une lumière » d’Arnaud Desplechin-Boîte noire » de Yann Gozlan

Mostra de Venise 2017  -Lion d'Argent - Prix de la mise en scène . Et Meilleur premier film.--- Prix Louis-Delluc du meilleur premier film 2018 ! Le Prix Claude Chabrol 2019 Meilleur dvd Juin 2018 ( 4 ème )._ Les couples divorcés dans la douleur ne pourront pas suivre. Les gardes partagées mal assumées auront du mal à faire de même : assister à leur propre souffrance que traduit Xavier Legrand avec un réalisme total, à nu, plaie grande ouverte, qui ne se referme jamais. Avec en tête ce personnage, la tête de l’emploi que Denis Ménochet, façonne de manière incroyablement naturelle. Je…
Le film
Les bonus

Personnellement il m’a fallu plusieurs minutes pour me remettre du choc émotionnel de ce film qui aborde frontalement le problème des couples séparés dans la douleur et de la garde alternée refusée par les enfants. Xavier Legrand réalise cette situation tendue jusqu’à l’extrême et jusqu’au final éprouvant, avec un réalisme total, à nu, plaie grande ouverte, qui ne se refermera quasiment jamais. Mais c’est ce qui fait aussi la grandeur du cinéma : provoquer de telles réactions, manifester sans ambages une vérité à cru, frontalement, honnêtement. La distribution est à l’unisson. AVIS BONUS Le court métrage ( excellent ) à l’origine du film, le making of ( vrai de vrai ) et le point de vue d’un juge pour enfants, des bonus à l’image du film : grandioses !

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15 Commentaires

  1. Un film coup de poing pour dire la souffrance, la peur, l’angoisse et la honte d’être impuissant face à la violence d’un proche. Les critiques parlent de ce film en le qualifiant de « Thriller ». C’est vrai pour le spectateur, mais c’est le drame pour celles et ceux qui le vivent.
    Film particulièrement juste qui ne dit que l’essentiel et nous questionne sur la difficulté à percevoir l’insupportable réalité. Faut-il que le sentiment de faute soit étouffant pour que toujours les victimes se taisent.
    L’interprétation est remarquable.

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