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« Makala » d’Emmanuel Gras. Critique dvd

Synopsis: Au Congo, un jeune villageois espère offrir un avenir meilleur à sa famille. Il a comme ressources ses bras, la brousse environnante et une volonté tenace. Parti sur des routes dangereuses et épuisantes pour vendre le fruit de son travail, il découvrira la valeur de son effort et le prix de ses rêves.

La fiche du DVD / Blu-Ray

Le film : "Makala"
De : Emmanuel Gras
Avec : Kabwita Kasongo, Lydie Kasongo
Sortie le : 27 avril 2018
Distribution : Les Films Du Losange
Durée : 93 minutes
Film classé : Tous publics
Nombre de DVD / Blu-Ray : 1
Le documentaire
Les bonus

Grand prix de la Semaine de la Critique -Cannes 2017

Je ressors abasourdi mais émerveillé par ce film fabuleux. Qui nous dit que l’on peut esthétiser la misère du monde sans l’occulter. Bien au contraire. En soignant ses plans, en donnant à la lumière toute sa plénitude, Emmanuel Gras souligne encore plus la valeur du travail de Kabwita et de son épouse Lydie, et la somme des difficultés qu’il engendre.

Pour personnellement me mettre totalement mal à l’aise devant l’inconfort de leur quotidien. Et poser la question de l’aide possible à leur apporter. Emmanuel Gras ne lâche jamais les efforts consentis par ce jeune africain que l’on va suivre à la tâche près dans sa livraison de charbon.

Il le crée de toute pièce, de l’arbre abattue à la hache – des heures et des heures parfaitement restituées – à sa combustion dans un four fabriqué pour l’occasion. Kabwita est seul à la manœuvre quand l’épouse s’affère aux occupations ménagères.

L’osmose est parfaite et participe très certainement à la réussite de leur artisanat que le jeune homme va maintenant vendre dans la ville voisine.

Kolwezi-50 kms de là, sur des routes qui n’en sont pas, des chemins tracés par des ornières poussiéreuses ou pas tracés du tout. On va encore le suivre pendant des heures et des heures, des jours et puis des nuits, marchant à côté de son vélo surchargé de sacs de charbon.

Une expédition d’un autre âge, avec sa gabelle réclamée à l’entrée de la ville par un individu que l’on n’identifie pas vraiment. Mais c’est du racket pur et dur afin de pouvoir accéder au négoce. Là encore Gras saisit très justement ce nouveau monde qui s’ouvre au regard du villageois englouti par le bruit et les lumières criardes de la ville fournaise.

Le réalisateur cadre très serré sur les individus avant de s’en éloigner imperceptiblement pour donner à voir le monde qui l’entoure, et ses contrastes ahurissants.

La contemplation des premiers instants (brousse et vent mêlés) s’égare dans l’abrutissement généralisé d’une société repliée sur elle-même. Où seule la famille (et peut-être la foi) permettent de retrouver des repères vrais et salvateurs.

Quand entre deux ventes Kabwita rend visite à sa belle-sœur, c’est une bouffée de bonheur qui envahit le cadre, cette joie ressentie même dans la peine et la douleur par un couple avec lequel Emmanuel Gras compose une harmonie nouvelle. C’est un film véritablement audacieux.

LES SUPPLEMENTS

  • Entretien avec Emmanuel Gras (22 mn). Assistant sur des longs métrages il s’est rendu plusieurs fois au Congo et a remarqué l’activité des charbonniers qu’il croisait sur les routes.

« Filmer en Afrique, c’est avant tout se poser la question du contexte, et de l’implication politique. (…) Il fallait que je reste sur l’individu et faire apparaître des éléments tout autour. Je n’explique pas une situation politique qui vient seulement sur des images » dit-il en donnant l’exemple de la grande peinture murale présidentielle avec cette citation « si vous ne croyez pas en moi croyez en mes œuvres ».

Emmanuel Gras explique longuement ce qu’est le documentaire, qui « doit venir avant tout du réel. Mais ce n’est pas uniquement capter, prendre mais aussi créer un espace-temps au sein duquel la personne peut exister encore plus intensément, exprimer qui elle est, ce qu’elle a dans sa tête ». Exemple donné avec le plan que le jeune villageois dessine pour sa future maison.

  • « Etre vivant » d’Emmanuel Gras (17 mn) -2013- La voix d’un homme décrit avec précision l’itinéraire physique et mental de celui (ou celle) qui se retrouve du jour au lendemain à la rue.

Le texte a été publié auparavant sur le web .Le réalisateur s’en est largement inspiré pour filmer le parcours de ce néo-SDF. Entre les impasses, les marchés abandonnés – pour un peu de nourriture – ou les bancs sur lesquels on ne peut plus s’allonger, l’homme découvre une autre ville.

Comme il ne l’avait jamais imaginée, car elle doit devenir un refuge « Mais la ville a changé, le moindre creux est obstrué, plus de bancs, la rue est propre et vide, la ville ne veut pas de toi, cette ville que tu parcourais autrefois… ».

Emmanuel Gras filme « au ras des pâquerettes » le parcours d’un fuyard, d’un être traqué, un homme que l’on ne voit jamais et qui est toujours plein cadre, dans l’absolu dénuement de son état et d’un environnement devenu hostile. C’est rigoureux et âpre, mais logiquement efficace.

  • Scènes coupées. Parmi toutes celles que nous propose ce bonus, j’aurais bien gardé :

« Premier matin » (11 mn) qui correspond à la longue scène d’ouverture quand le jeune villageois se lève et se rend sur le terrain où il doit abattre l’arbre. On comprend maintenant qu’il attend d’autres compagnons (mais on ne les voit jamais dans le montage final). On le voit aussi faire une toilette sommaire dans la rivière et poser semble-t-il des pièges.

« La termitière » (4 mn) : hallucinante récolte de ces petites bêtes qui les piquent avant d’être mangées …

  • Le Congo dans ce blog :

« Félicité » d’Alain Gomis

« Kinshasa kids » de Marc-Henri Wajnberg

« Benda Bilili » de Renaud Barret et Florent de La Tullaye

« Rebelle » de Kim Nguyen

« Mister Bob » de Thomas Vincent

Grand prix de la Semaine de la Critique -Cannes 2017 Je ressors abasourdi mais émerveillé par ce film fabuleux. Qui nous dit que l’on peut esthétiser la misère du monde sans l’occulter. Bien au contraire. En soignant ses plans, en donnant à la lumière toute sa plénitude, Emmanuel Gras souligne encore plus la valeur du travail de Kabwita et de son épouse Lydie, et la somme des difficultés qu’il engendre. Pour personnellement me mettre totalement mal à l’aise devant l’inconfort de leur quotidien. Et poser la question de l’aide possible à leur apporter. Emmanuel Gras ne lâche jamais les efforts…
Le documentaire
Les bonus

C’est un grand documentaire en ce sens qu’il nous donne à voir une réalité sociale et politique intense, et malheureuse dans le cadre d’une réalisation totalement assumée comme celle d’une fiction. Emmanuel Gras suit à la tâche près l’évolution d’un artisanat (la fabrication de charbon de bois) en se focalisant autant sur le geste que sur la beauté et l’environnement de son héros. On peut esthétiser la misère du monde sans l’occulter nous dit et nous montre le cinéaste. En soignant ses plans, en donnant à la lumière toute sa plénitude, il souligne encore plus la valeur du travail de Kabwita et de son épouse Lydie, et la somme des difficultés qu’il engendre. Un couple avec lequel Emmanuel Gras compose une harmonie nouvelle. C’est un film véritablement audacieux.

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