- Durée : 2 heures et 26 minutes
- Dvd : 6 mai 2025
- 03 mai 1963 en salle
- Reprise 30 avril 2025
- Documentaire
- | Par Catherine Varlin, Chris Marker
- Acteurs : Chris Marker, Jean-Luc Godard, Anna Karina, Edgar Morin, Alain Resnais
- Studio : Potemkine Films
L’histoire : Paris, mai 1962. La guerre d’Algérie vient de s’achever avec les accords d’Evian. En ce premier mois de paix depuis sept ans, que font, à quoi pensent les Parisiens ? Chacun témoigne à sa manière de ses angoisses, ses bonheurs, ses espoirs. Peu à peu, se dessine un portrait pris sur le vif de la France à l’aube des années 60.
- Prix FIPRESCI au Festival de Cannes 1963
- Lion d’or de la meilleure première œuvre au festival de Venise 1963.
Si les étoiles n’apparaissent pas, reportez-vous à la fin de l’article
« Joli mai, c’était tous les jours fête » chantait Yves Montand
Tourné en 1962, ce documentaire parait aujourd’hui témoigner d’une époque, sans lui attribuer une quelconque vérité sociologique . Il hésite entre la carte postale et le registre des archives municipales ( ce banquet de mariage ! )
Les commentaires d’alors ressemblent pourtant parfois à ceux d’aujourd’hui.
Ce vendeur de fringues qui entre son patron et sa femme ne sait plus de qui se protéger, ne jure que par l’argent qu’il peut récolter. Si son épouse à ses dires lui en fait voir de toutes les couleurs, la femme plus généralement demeure cloîtrée dans son pré-carré familial.
Quelques mois après la fin de la guerre d’Algérie, le ciel parait s’éclaircir .L’avenir parait ainsi radieux pour ce réparateur de pneus qui expose fièrement ses peintures abstraites .
Mais chez les électriciens en grève, la couleur vire à la grisaille, avec disent-ils « des salaires de famine » . « Comment voyez-vous l’avenir ? » demande le journaliste
« Oh, pas joli, pas joli » lui répond l’ouvrier. « Je me demande comment ça va se terminer, parce que avec les guignols qu’on a là-haut … ».
Il ne cite personne, peut-être tout aussi perdu dans la mouvance politique du moment qui fait dire à une autre rencontre que le nom des hommes politiques qui lui viennent immédiatement à l’esprit , ce sont Maurice Thorez et Jean-Marie Le Pen.
Les historiens pourront toujours commenter ce paysage politique très étiré, contrasté, voire contradictoire , sur cette image de Paris qui reflète assez bien aussi celle de la France en quête d’espérance. On dit que le monde va s’ouvrir , et déjà la capitale se pare de nouveaux atours.
Deux architectes dans le 15 ème devisent sur l’utilité des grands ensembles urbains qui se profilent à l’horizon. Mais dans leur arrondissement, la multiplication d’immeubles élevés leur parait une aberration.
Et puis les bidonvilles , un jeune homme d’origine algérienne s’exprime … Le film pourrait ne jamais s’arrêter, mais la fin du mois s’autorise une halte mémorielle indiscutable Tel un bilan rétrospectif. N’était-ce pas mieux avant ?
- Un autre coup d’œil sur Paris : « Études sur Paris » de André Sauvage. Et les photo de Robert Doisneau
- Littérature : Prix Médicis 2024 « Ann d’Angleterre » de Julia Deck
LES SUPPLEMENTS
Entretien avec Pierre Lhomme ( 20 mn )- Il s’agit d’un extrait d’une longue interview du directeur de la photographie, par les étudiants de la Femis.
« Je ne me souviens pas avoir fait de repérages, Chris Marker n’est pas très bavard, mais il crée autour de lui une atmosphère qui vous donne des idées . (…) On parlait souvent avec les gens avant, et quand on pensait qu’on était acceptés, on prenait la caméra, on essayait de tourner de la façon la plus modeste qui soit en essayant de ne pas déstabiliser les gens . »
Mais il y a eu aussi de vrais rencontres comme avec le prêtre ouvrier, et très peu d’impromptus, ce n’était pas le principe.
Jouer à Paris, de Catherine Verlin – Nicolas Youmatoff ( narrateur) ( 27 mn ) – Film monté par Chris Marker à partir des rushes non utilisés du « Joli mai ». Catherine Varlin était la librettiste .
Une déclinaison du verbe jouer sous toutes ses formes, au cœur de la capitale. Un jeu de clés, jouer avec la peur …
« Jouer c’est une manière de rester en surface ( … ) une couverture tirée sur la grimace, un trompe l’œil étranger. (…) Pour une femme, les grands magasins, pas de meilleur endroit que de laisser sa raison à la porte ».
Des enfants à l’école, les vitrines des magasins ( plus profitables aux femmes que des miroirs … dit encore la voix off ), la circulation avec ses nombreux agents de police . Il y a aussi une corrida pour rire, avec un Monsieur Loyal et un faux cheval en tissu, mais un vrai taureau et des toréadors qui émeuvent la gente féminine
Ce documentaire sans interview audible, mais fortement commenté avec sa légère propension machiste, demeure aujourd’hui dans la ligne de « Joli mai » une forte contribution historique .
La façon de le commenter me renvoie aux « Mythologies » de Roland Barthes, cette manière de décrypter les signes portés par les gens, leurs mouvements et leur environnement ( voitures, boulevards, magasins …)
« D’un lointain regard » de Jean Ravel (12.30 mn ) – « J’entends, j’entends » d’Aragon dit par Jean Négroni en préambule à ce court-métrage qui me parait être également tiré des « brouillons » de « Joli Mai ».
Des visages, des silhouettes aussi dans la dynamique quotidienne de Paris qui ne cesse de remuer.
Le documentaire
Les bonus
Chacun me semble-t-il trouvera matière à se raconter sur ces images passéistes qui ainsi montées vont bien au-delà du simple documentaire. Ainsi réunies, elles reprennent le cours de l’histoire qu’inconsciemment nous délaissons au gré de nos discussions, ici et là, de nos rencontres programmées ou inopinées en jetant à chaque fois, un coup d’œil plus ou moins appuyé dans le rétroviseur .
Alors était-ce mieux avant dans ce Paris 1962 qui parait aujourd’hui témoigner d’une époque, sans lui attribuer une quelconque vérité sociologique . Entre la carte postale et le registre des archives communales les commentaires ressemblent parfois à ceux d’aujourd’hui.
Petit détail au passage : dans les années soixante Chabrol nous présentait « Le beau serge » et Truffaut faisait « Les 400 coups » . Chris Marker et Pierre Lhomme dans la simplicité de leur approche scénique ne surferaient-ils pas un tantinet sur la nouvelle vague . On s’y laisse porter .
AVIS BONUS
Pierre Lhomme a la parole et les rushes du film font de très jolis courts métrages