- 16 avril 2025
L’histoire : Un couple de paysans âgés vit paisiblement dans un petit village de la campagne ouzbek où il travaille la laine. Peu à peu, son existence se voit bouleversée par les sollicitations de ses deux fils, qui insistent pour faire pénétrer la technologie chez eux malgré leurs réticences
- Prix de la critique et Prix du public pour un film de fiction au Festival international des cinémas d’Asie de Vesoul 2024
- Prix du Meilleur film [catégorie Asian New Talent] au Festival de Shanghai 2023…).
Si les étoiles n’apparaissent pas, reportez-vous à la fin de l’article
C’est un premier film, remarquable, aux références évidentes (Ozu, Kiarostami … ) mais qui singulièrement s’en détache pour une histoire qui n’est pas forcément celle que l’on nous raconte.
Un dédoublement en quelque sorte de la pose générationnelle affichée par ce vieux couple de paysans, avec ses enfants partis à la ville. Ils sont aux petits soins pour eux, leur proposant tour à tour d’améliorer leur quotidien en changeant de gazinière, de réfrigérateur, de télévision.
Ce bouleversement idéologique et social auquel nous assistons, révèle dans ses contours la fragilité paysanne ouzbek, confinée dans un confort traditionnel modeste qui ne demande qu’à survivre.
La « grand-mère » , fidèle à son instinct premier de soumission, va rarement à l’encontre de ces bouleversements possibles ( elle ne veut pas se braquer avec ses enfants ) . Son époux, d’une humilité de façade, se cabre à chaque intervention.
Le réalisateur-scénariste-monteur pose là son empreinte de manière très originale et personnelle . S’il veut nous parler des méfaits de la technologie galopante, dans un milieu défavorable , c’est aussi et peut-être avant tout pour saluer ceux qui vont rester…
Deux vieux, superbes, dans leur quotidien modeste. Pour le tissage artisanal, on se contente de la grande cour de ferme et des fagots environnants.
Une maison attenante, sans apprêt ( les enfants veulent la changer … ) où la femme va et vient, sans jamais quitter l’œil de son mari, plutôt amorphe. Un beau visage placide, et rien pour contredire ce machisme qu’il oppose à l’allure débonnaire , et travailleuse de la femme.
Le couple s’accorde malgré tout dans ce décor ancestral où chaque geste, chaque pas, paraissent marqués pour l’éternité. Il y a certainement de la tendresse entre eux, mais le pli de leurs visages, le poids de leurs existences, effacent toute contrariété possible.
Ils se nomment Abdurakhmon Yusufaliyev et Roza Piyazova. Ils n’ont jamais fait de cinéma. Ils crèvent l’écran !
- Un peu dans le même esprit
« Utama : La Terre Oubliée » de Alejandro Loayza Grisi
Le Film
Le fait de leur imposer une technologie particulière au cœur d’un domaine qui demeure très traditionnel, suscite de la part de ce vieux couple des sentiments mitigés, et souvent contraires. La femme, soumise depuis toujours, et ne voulant pas contrarier ses enfants, laisse faire. L’homme, peu aimable à son égard, se cabre chaque fois qu’un élément nouveau vient perturber son quotidien, un écran plat TV, un frigo qui ne fait pas de bruit, une gazinière automatique. A ce stade déjà , Shokir Kholikov, le réalisateur-scénariste-monteur signe un premier film d’une maîtrise remarquable , doublé d’un portrait de fin de siècle autour d’un vieux couple . Il pose là son empreinte de manière très originale et personnelle . S’il veut nous parler des méfaits de la technologie galopante, dans un milieu défavorable , c’est aussi et peut-être avant tout pour mieux saluer ceux qui vont rester… Ils se nomment dans la vraie vie Abdurakhmon Yusufaliyev et Roza Piyazova. Ils n’ont jamais fait de cinéma. Pour la première et sans doute la dernière fois, ils crèvent l’écran Les références sont patentes qui de Ozu à Kiarostami assument une relève inattendue. Le cinéma toujours au mieux de sa résistance