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« Chouf » de Karim Dridi . Critique dvd

Synopsis: Chouf, ça veut dire "regarde" en arabe. C'est le nom des guetteurs des réseaux de drogue de Marseille. Sofiane, 24 ans, brillant étudiant, intègre le business de son quartier après le meurtre de son frère, un caïd local. Pour retrouver les assassins, Sofiane est prêt à tout. Il abandonne famille, études et gravit rapidement les échelons. Aspiré par une violence qui le dépasse, Sofiane découvre la vérité et doit faire des choix.

La fiche du DVD / Blu-Ray

Le film : "Chouf"
De : Karim Dridi
Avec : Sofian Khammes, Foued Nabba, Zine Darar, Oussama Abdul Aal, Foziwa Mohamed
Sortie le : 09 Mars 2017
Distribution : Blaq Out
Durée : 103 minutes
Film classé : 12 ans et plus
Nombre de DVD / Blu-Ray : 1
Le film
Les bonus

« Ce ne serait pas malin de faire des grillades autour de moi » dit le caïd à son lieutenant …

Karim Dridi connaît (trop) bien son sujet. Son état des lieux de la cité, ou banlieue, ou quartier Nord, renvoie à des années de reportages, de films et autres documentaires. C’est long, éreintant, le refrain est connu.

Avec Sofiane, le petit frère rangé des voitures  qui reprend des chemins de traverse. On vient de les parcourir en compagnie des dealers et guetteurs des quartiers nord de Marseille. Après la mort de son frère, Sofiane y retourne pour le venger quand ses copains ne semblent guère pressés de passer à l’action.

Il est surpris  mais l’ordre établi et les règles maison lui interdisent toute velléité trop affirmée. Le moindre dérapage, la plus petite désobéissance, la sanction est parfois sans retour. Ce que lui fait comprendre Reda, un gros pépère qui en impose (Foued Nabba parfait ), et qui tout aussi bizarrement le prend sous sa coupe. Le chef le conseille, le protége, lui apprend la vie dans la cité, loin de son école de commerce où Sofiane (Sofian Khammes ) poursuivait de brillantes études.

Sofiane a maintenant trouvé sa place au milieu des guetteurs…

La relation entre les deux « frères » (ici tout le monde est frère) empreinte de méfiance et de respect, donne le juste ton d’un récit qui trouve enfin son rythme et son originalité. Elle pousse l’ambiguïté du propos jusqu’au soupçon réciproque. On n’est jamais loin d’une trahison possible, d’un camp à l’autre, ou avec les flics qui rackettent pour mieux fermer les yeux. Ceux de Dridi, bien ouverts, n’occultent rien de ce marché parallèle où Sofiane va jouer les trouble-fête, électron libre dans un circuit qu’il appréhende de mieux à mieux à l’aune de ses études

Il est marrant de voir comment il réorganise la vente sur le parking à la manière du système Mac Do, rapidité, efficacité, « et le respect du client ».Et s’il lui faut parfois passer à l’action violente, ce qu’il répugne, c’est pour mieux asseoir cette autorité intelligente et discrète.

Une façade presque honorable s’il n’y avait derrière des morts et des drogués que rien ne semble pouvoir enrayer. C’est le constat amer de Karim Dridi confronté à son tour à ambiguïté d’un propos qu’il n’arrive pas à contenir. C’est paradoxalement la réussite de son film. Il nous montre et nous dit que décidément rien n’a changé. Échappatoire illusoire.

LES SUPPLEMENTS

  • Sur le tournage (25 mn) . Entre deux scènes (on en voit plusieurs), des gens du quartier, interviewés, se défient d’un tel film. « C’est toujours la même rengaine, on voit que ça à la TV, ce n’est pas un bon film, ceux des quartiers nord qui sont bien on ne les montre pas, et ce n’est pas en montrant les réseaux que l’on va régler le problème de la drogue, si on ne donne pas de travail aux jeunes ça ne résoudra rien ».  

Foued Nabba, comédien non-professionnel qui joue à la perfection Reda, le caïd, tente d’expliquer l’esprit de ces jeunes et la violence qui les conduit à « faire justice eux-mêmes. C’est devenu une logique, j’ai jamais entendu dire que les responsables des fusillades à Marseille avaient été arrêtés, alors c’est la loi du Talion »

« On est toléré dans la cité à condition de respecter les règles » prévient le réalisateur « dont l’arrêt du tournage à 11h quand commence le charbon (*) qui génère beaucoup de fric, le film c’est de la fiction pure mais on est dans un environnement réel ».  A ses yeux « les jeunes auront de mon film la lecture de la kalachnikov, les autres une lecture sociale sur des gens que l’on abandonne dans ces quartiers ».

Sofiane s’opposera souvent au caïd qui pourtant  le protège étrangement …

Une habitante ne comprend plus. « Vous imaginez, la maman qui a vu grandir cet enfant et savoir que cet enfant-là vient de tuer son fils, ils étaient minots, ils ont grandi ensemble et pour de la drogue ils vont maintenant se tuer. (…) On les pointe du doigt, mais pour leur tendre la main, y’a personne ».

(*) Point de vente de la drogue

  • Des documentaires.Plusieurs présentations courtes et passionnantes des acteurs à travers le casting, les répétitions, le tournage. Oussama Abdul Aal (Rachid, bras droit du caïd)  très heureux d’avoir participé à ce film, sa meilleure expérience à ce jour. Foued qui attendait ça depuis deux années dit qu’il n’en peut plus « à la fin de chaque journée, je suis mort ». Il est vrai qu’il en abat…
  • Dans les cités, dans les banlieues :

 » Chouf » de Karim Dridi – «  Divines » de Houda Benyamina – « Black » d’Adil El Arbi et Billal Fallah -« Qu’Allah bénisse la France » de Abd al Malik -« Bande de filles  » de Céline Sciamma-« La cité rose » de Julien Abraham!

« Ce ne serait pas malin de faire des grillades autour de moi » dit le caïd à son lieutenant … Karim Dridi connaît (trop) bien son sujet. Son état des lieux de la cité, ou banlieue, ou quartier Nord, renvoie à des années de reportages, de films et autres documentaires. C’est long, éreintant, le refrain est connu. Avec Sofiane, le petit frère rangé des voitures  qui reprend des chemins de traverse. On vient de les parcourir en compagnie des dealers et guetteurs des quartiers nord de Marseille. Après la mort de son frère, Sofiane y retourne pour le venger quand ses copains ne semblent…
Le film
Les bonus

Pour venger la mort de son frère, un jeune garçon quitte son école de commerce et replonge dans l’enfer des cités où sa manière de la jouer solo déstabilise un circuit peu enclin aux variations. Une fois la longue déambulation dans le réseau terminée (du réchauffé) le réalisateur plonge à son tour dans le vif du sujet qui voit le jeune héros pris sous la coupe d’un caïd bien conciliant. Une entente bizarre s’installe entre les deux hommes alors que la pression ne cesse de l’enfermer dans la vengeance qu’il s’est promise. Karim Dridi connaît bien le terrain. Il le filme sans état d’âme ni compromission pour les uns et les autres, laissant à sa mise en scène, quasi spontanée, le soin de dire que le problème des cités est encore loin d’être résolu. Les comédiens sont souvent des gens du cru. Leur jeu, très expressif est vital, percutant. Des sous titres parfois ne seraient pas superflus.

Avis bonus Un making of très instructif et de courts entretiens avec les comédiens amateurs, passionnants.

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