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« Le Corbeau » de Henri-Georges Clouzot. Critique dvd

Avec le temps, le volatile a laissé des plumes dans le coffret Clouzot qui demeure malgré tout indispensable

La fiche du DVD / Blu-Ray

Le film : "Clouzot - L\'essentiel"
De : Henri-Georges Clouzot, André Cayatte, Jean Dréville, Georges Lampin
Avec : Pierre Fresnay, Suzy Delair, Yves Montand, Peter van Eyck, Antonio Centa
Sortie le : 24 octobre2017
Distribution : TF1 Vidéo
Durée : 1370 minutes
Film classé : Universal
Nombre de DVD / Blu-Ray : 13
Le film
Le bonus

En 1920 la petite ville de Tulle (Corrèze) est sous le coup de dénonciations anonymes. Transposé sur grand écran, l’événement admet une autre vérité. Le tournage a lieu en 1943, sous l’emprise du gouvernement Pétain et de l’occupant allemand, qui via la Continental finance le projet.

Clouzot joue habilement des circonstances. Quand au grand jour la Gestapo encourage la délation, le cinéaste fustige ce courant de dénonciation populaire qui conduit au désordre. Tout le monde suspecte son voisin et va de sa diatribe, montrer du doigt les victimes des lettres anonymes..

Victime principale du corbeau, le malheureux docteur Germain est aussi très courtisé. Ce qui lui vaut d’ailleurs ses ennuis …

La double peine engendre un climat de suspicion malsaine que Clouzot entretien à grands coups de canif dans ses portraits de gens très bien, très honorables. Toute la bourgeoisie provinciale y passe, du médecin chef de l’hôpital où la sœur supérieure a l’œil méchant (Héléna Manson ne se force pas beaucoup) au sous-préfet qui du haut de sa haute autorité pensait pouvoir échapper à la curée

Mais le jeu de massacre n’épargne personne et surtout pas le principal intéressé, un médecin généraliste accusé d’être un avorteur, un amant à la petite semaine et un personnage au passé beaucoup trop mystérieux pour ne pas être suspect.

D’allure réservée, Pierre Fresnay ne se plie pas facilement à la complaisance de ses semblables : le docteur Germain doit être exécuté.

 

C’est pourtant lui qui mène l’enquête (quid de la police ?) grandement aidé par le sage de l’histoire, le vieux médecin psychiatre (Pierre Larquey) . Sur le profil du corbeau, l’homme esquisse un portrait au plus près de ses connaissances scientifiques. Le début de l’histoire du profilage, qui sait, dont le psychiatre ne tire aucune gloire.

Pas plus inquiet par les rumeurs qui attribuent à sa très jeune épouse des envies de liberté. Mais l’amant supposé est aussi très courtisé par la fille facile du quartier (Ginette Leclerc), ce qui ne facilite pas la tâche du réalisateur pourtant très à l’aise dans ce va et vient sentimental qui gagne en dramaturgie ce qu’il perd en suspense.

Comme un bon vin trop longtemps éventé, « Le Corbeau » perd en vigueur, en résonance sociale pour se substituer à un témoignage accablant d’une époque noire et sordide.

Un temps nullement révolu entre commérages et vindicte, où le jeu des apparences s’impose. Étonnamment moraliste Clouzot écarte pourtant tout manichéisme dans une scène qui demeure à jamais indispensable au cinéma français : le vieux psychiatre et son jeune collègue généraliste devisent autour d’une lampe de plafond qui balance entre le bien et le mal, l’ombre et la lumière, les bons et les méchants. Quand le Dr Germain met la main sur l’ampoule, il se brûle, bien évidemment. Pour ou contre, la vérité est difficile à cerner. Le Corbeau, même découvert, y laisse des plumes.

LE SUPPLEMENT

  • « Autour d’un chef-d’œuvre » (30 mn). Avec Pierre-Henri Gibert réalisateur du « Scandale Clouzot » et Claude Gauteur, historien « HG Clouzot l’œuvre fantôme »- On parle beaucoup de La Continental, la maison de production à capitaux allemands, dirigée par Alfred Greven et supervisée par Goebbels, le ministre de la propagande. Il demandait à La Continental de produire des films qui ne font pas réfléchir, de purs divertissements.

On pourra toujours reprocher à Clouzot d’y avoir fait ses premiers films, mais quand le scénariste de l’époque cherche à tourner son premier long métrage, personne ne lui tend de caméra. Pour « Le Corbeau » c’est la première fois qu’il a les pleins pouvoirs.

La célèbre scène entre l’ombre et la lumière…

« Clouzot est un provocateur, il jubile de transgresser tous les interdits » et Alfred Greven, « plus cinéphile que nazi (…) le comprendra un peu tard. Il a fait de La Continental un lieu éminent de la production française, s’entourant des plus grands ».

Mais les allemands vont se plaindre. « En apparence c’est un film qui répond à l’attente de Goebbels, il ne parle pas de politique, alors que tout est politique et Greven s’en aperçoit et renvoie Clouzot » qui ne travaillera plus jusqu’à la fin de la guerre, époque à laquelle il est traduit devant un comité d’épuration et condamné à ne plus exercer de poste de commandement pendant trois ans.

« Ça a été un bouc émissaire, un film anti-français », disait-on « un film qui a déplu aux allemands, à Vichy et aux résistants communiste qui assurent que le film a été présenté en Allemagne sous le titre « Un petit village français » ce qui est complètement faux ». Mais Clouzot a beaucoup de soutiens parmi les artistes et les autorités.

LE COFFRET

« L’assassin habite au 21 » (1942)-« Le corbeau » (1943)-« Quai des Orfèvres » (1947)-« Manon » (1949)-« Retour à la vie » (un sketch, 1949)-« Miquette et sa mère » (1950)-« Le salaire de la peur » (1943)-« Les diaboliques » (1954)-« Le mystère Picasso » (1956)-« Les espions » (1957)-« La vérité » (1960)-« La prisonnière » (1968)

En 1920 la petite ville de Tulle (Corrèze) est sous le coup de dénonciations anonymes. Transposé sur grand écran, l'événement admet une autre vérité. Le tournage a lieu en 1943, sous l’emprise du gouvernement Pétain et de l’occupant allemand, qui via la Continental finance le projet. Clouzot joue habilement des circonstances. Quand au grand jour la Gestapo encourage la délation, le cinéaste fustige ce courant de dénonciation populaire qui conduit au désordre. Tout le monde suspecte son voisin et va de sa diatribe, montrer du doigt les victimes des lettres anonymes.. La double peine engendre un climat de suspicion malsaine que…
Le film
Le bonus

Contrairement à beaucoup de films de Clouzot qui tiennent toujours la distance ce corbeau laisse avec le temps quelques plumes dans l’attente hitchcockienne d’un suspense trop appuyé. La première partie du film montre du doigt avec insistance tous les suspects possibles et comme tout le monde est suspect, la réalisation fait du sur place. Quand il aborde les conséquences de la vindicte populaire, les miasmes et relents d’un populisme rampant, Clouzot trouve à mon avis le bon rythme renvoyant dos à dos victimes et délateurs supposés dans une bronca de quolibets et d’insultes propre à une foule aveuglée par la haine et la méchanceté. On peut comprendre que l’image de la France renvoyée à cette époque ne plaise pas à tout le monde, mais l’esprit du film reflète assez bien me semble-t-il un courant que l’épuration tenta d’oublier. A ce titre "Le Corbeau" est devenu un témoin incroyable de cette période de notre histoire. « L’un des plus grands films de l’occupation » assure Claude Gauteur, spécialiste de Clouzot. Avec en prime une palette d’acteurs qui demeurent des références. AVIS BONUS Deux spécialistes nous révèlent pas mal de choses autour du film, et de l'histoire de son réalisateur. Passionnant

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